Adieu Guinée !
Pays des ancêtres Pays griotique qui m'a vu naître sous un vieux baobab Jadis j'étais un enfant roi Aujourd'hui je suis une flaque d'eau en exil.
Je suis le chant lointain de la musique traditionnelle Je suis l'immense mélopée des hauts bois Mais, je suis affamé de ton lait pur Lait des sources singulières Je suis comme le vieil homme croquant le cola Avec une mèche de cigarette en main Au coeur pur d'un concert de sages Les poèmes me disent de tes nouvelles chère Guinée...
Mère de mes souvenirs Mère de mon moi Ô merveille, Ils me disent que tes fils deviennent eux-mêmes Ils me disent que le chemin est encor long Ils me disent que tes larmes oscillent Comme le vent printanier de l'ouest. Ô merveille.
Le baptême.
Je te baptise Babel entre toutes les femmes.
Babel entre toutes les villes.
Babel de la diversité.
Ambiguë comme les sexes.
Nostalgique du paradis perdu.
- utérus maternel -.
Centre du monde.
Cordon ombilical.
« Poète - crie Babel.
Je suis l'aveugle des langues.
La Cassandre dans la nuit obscure des signifiants ».
Cristina Peri Rossi.
Dans le sud de la France, deux adolescentes se rencontrent au lycée. L'une est solaire et ténébreuse, irradiante, libre. L'autre, amoureuse et à l'affut. Ce livre, c'est l'histoire de ce télescopage, une étincelle, une bouffée de chaleur, un roman-poème qui dit l'amour passionnel d'une jeune fille pour l'incandescente Marie-Lou.
Marie-lou-le-monde nous raconte dans une langue fulgurante un vertige amoureux, un chant du désir, un hommage à un fantasme impérissable.
Dans L'Immaculée Conception, en 1930, Paul Eluard et André Breton offraient cinq variations autour des délires recensés par la psychiatrie pour démontrer qu'il n'y avait pas de frontière entre le langage des prétendus fous et celui des poètes, sauf aux yeux de la société. En novembre 1943, lorsque Eluard est accueilli à Saint-Alban par Lucien Bonnafé, épisode auquel fait allusion Xavier Donzelli dans Les Messagers également publié en janvier 2023 chez Seghers, les temps ont changé : l'euphorie et les provocations du surréalisme sont loin, la France est occupée, la poésie doit s'engager. Face aux fous de l'asile public départemental de Lozère, aux aliénés atteints cette fois réellement de débilité mentale, de manie aiguë, de paralysie générale, de délire d'interprétation ou de démence précoce, Eluard se fait confident, interlocuteur. Rappelons-nous que le poète du lyrisme amoureux est aussi le poète de l'indignation face aux injustices et de la compassion envers les malades des sanatoriums, les soldats du front, les femmes tondues de l'après-guerre et de toutes les misères du monde.
Dans ce long poème composé de sept parties et d'un épilogue, « Le Cimetière des fou », il dresse sept portraits de malades servis par les dessins poignants de Gérard Vulliamy, artiste peintre graveur proche du surréalisme et futur gendre du poète. Empreints d'une profonde empathie, ces textes font résonner des voix : celle du poète confronté au mystère impénétrable de l'esprit perdu, « chantant la mort sur les airs de la vie », ou celle des fous en proie aux hallucinations, à des absences ou à de rares éclairs de lucidité. « Le mannequin en croix est-il un homme ou moi ? » s'interroge une jeune femme triste ; « Peut-être aurais-je pu cacher cette innocence qui fait peur aux enfants ? » laisse entendre une vieille dame dont « un mur de regret cerne l'existence ».
Saint-Alban, berceau de la psychiatrie institutionnelle, fut le premier lieu en France à offrir une prise en charge thérapeutique aux fous devenus des patients - à une époque de restrictions qui allait voir mourir de faim la moitié de la population des asiles, soit quarante mille personnes. De la même façon, à travers ce texte, Eluard arrache ces individus à une solitude carcérale et les rend à leur humanité. À notre époque, à l'heure de l'inflation sécuritaire dans les hôpitaux psychiatriques, ses Souvenirs de la maison des fous nous rappellent plus que jamais à notre esprit et à notre humanisme.
Les plus grands classiques de Kery James, sélectionnés par le rappeur lui-même, réunis dans ce recueil à l'occasion de ses trente ans de carrière. Des textes forts, essentiels, qui prouvent que le rap et le slam occupent une place primordiale dans la poésie contemporaine. Un cahier imprimé en couleurs réunira une vingtaine de photographies inédites dont certaines issues d'archives familiales.
Qaïs et Leïli sont deux amants éperdument amoureux. Si amoureux que le jeune homme, incapable de contenir sa passion, la chante à tous les vents avec tant de ferveur qu'il reçoit le surnom de « Majnoun » (le fou). Très vite, sa réputation le précède, si bien que le père de Leïli refuse de donner la main de sa fille à ce personnage si extravagant.
Brisé, le poète se laisse dépérir, chantant sans cesse son amour perdu. Tel Orphée, ses paroles apaisent le coeur des désoeuvrés et celui des animaux les plus féroces qui, bientôt, le suivent en cortège. Leïli, quant à elle, se lamente sur sa condition de femme assujettie, qui ne peut même pas, à la différence de son amant, laisser éclater publiquement son désarroi !
Peiné, le père de Leïli décide de la marier à un jeune homme « respectable » qui saura, lui, la rendre heureuse. Assistant au mariage, Majnoun périt de tristesse. Le charme de ses chants rompu, la fureur des animaux sauvages qui formaient son cortège reprend de plus belle et ces derniers dévorent son corps. Repus de ses chairs, tous entonnent l'ultime chant du poète, conjurant sa belle à le rejoindre dans la mort...
Ce nouveau recueil de Christian Bobin est un véritable Manifeste à l'usage de qui veut échapper à cette modernité toujours plus performante de notre monde cartésien tourné vers le profit, un monde qui court à sa perte en renonçant à la beauté, à la poésie, à l'amour. "La poésie n'est pas un genre littéraire. Les vrais poètes ont un coeur en acier trempé. Ce sont des penseurs primaires qui savent que la lutte est sans pitié avec l'enfer de la Raison." La vie de la poètesse Anna Akhmatova est un exemple : cernée par l'ombre de Staline, elle est modèle de résistance et son oeuvre, hymne à la vraie vie : "Nous croyons, nous, modernes, avoir inventé la brièveté des messages, aussi leur rapidité. Mais qu'est-ce en regard de l'éclair du poème. La reine Akhmatoiva donne congé en un seul vers."
"Macchu Picchu, cité ou forteresse cyclopéennes, se dresse, au-dessus des lianes et des orchidées, sur une étroite plate-forme au flanc d'un pic des Andes. Découverte en 1911 par un professeur de Yale, Hiram Bingham, elle passe pour le dernier refuge où s'isola, après la conquête de Cuzco par Pizarre, un parti d'Incas irréductibles. [...] Nid d'aigle émergeant de l'inextricable et vivace entrelacs de la forêt-mère, les murs gigantesques demeurent un défi et une énigme de l'homme à l'Histoire. Ces blocs énormes, hissés à telle altitude, polis, strictement assemblés, témoignent d'un monstrueux et inutile effort." Pablo Neruda s'est approché de ces hauteurs en pèlerin, venu s'interroger sur un immense et obscur martyr. Dans ce deuxième chant du Canto general, le poète entreprend une longue méditation lyrique sur la grandeur et peut-être l'absurdité d'une telle entreprise. S'interrogeant sur l'homme face au temps et face à la légende, il signe le récit, la chronique dirait-il, de la vie et de la mort, puis de la renaissance des peuples natifs de l'Amérique du Sud, au coeur des vestiges de la grande civilisation rouge.
Les Fleurs du mal, mythique recueil de poésies signées Baudelaire, provoque le scandale dès sa première parution en 1857. Tonalité rompant avec le romantisme, structure du sonnet battue en brèche, obsession de la mort, exploration de la souffrance : le spleen baudelairien va durablement animer les conversations du monde littéraire... Après avoir exploré la vie du poète à travers Mademoiselle Baudelaire, alias Jeanne Duval, vénus noire au coeur de l'oeuvre de Baudelaire, Yslaire offre son inépuisable talent graphique aux Fleurs du mal.
Illustrant les cent poèmes de la version de 1857, avant le procès retentissant de Baudelaire qui en fera écarter six parties jugées immorales, le grande maître de la BD moderne souligne de merveilleuse et vénéneuse manière toute la beauté, la profondeur et le mystère de l'art baudelairien. Le temps n'est rien pour les artistes qui, malgré la différence d'époque, finissent toujours par se rencontrer...
« Il y a une douceur à l'existence, un dire renouvelé, des ombres qui apportent du repos, l'atténuation des angles, la pousse des plantes... ».
Résonnant comme un testament littéraire, cette anthologie est le fruit d'une sélection toute personnelle d'Etel Adnan : Saisons, Mer et Brouillard, Nuit, Surgir, Déplacer le silence, cinq recueils constituant la quintessence de son oeuvre poétique. L'écrivaine y livre ses méditations sur le monde, les mythes, l'histoire, l'amour, le silence, le langage, l'avancée dans l'âge, la contemplation de la nature, la quête de la beauté, la mort ou encore la renaissance. Mêlant poésie, prose et philosophie, elle propose une exploration fragmentaire de la réalité, questionne la condition humaine et tente de concilier la mémoire et le temps.
Née à Beyrouth, Etel Adnan (1925-2021) est une artiste, poète et essayiste libano-américaine mondialement reconnue et érigée en modèle par les poètes et poétesses d'aujourd'hui.
Traduction : Martin Richet, Jérémy Victor Robert, Françoise Despalles, Pascal Poyet et Françoise Valéry.
« Nous sommes d'un pays, d'une terre. Nous avons à coeur de dire tous les pays et toutes les terres à partir des nôtres. Alors nous veillons sur nos vocables, nous ne les abandonnons pas sur les palissades, nous ne les jetons pas aux oiseaux de proie, nous ne les dissipons pas dans les salons ou les lupanars. Nous faisons très attention de bien les faire briller de rosée dans la forêt de Brocéliande. Les mots dont nous nous servons le plus volontiers ont mille ans et n'ont rien perdu de leur force, de leur puissance, de leur ferveur. Vous les reconnaîtrez tout au long de ces pages, ces mots qui ont pour eux l'immortalité de notre âme. Oui, vous saurez les reconnaître. »
"Quelle que soit la disparate de ses tons et de ses thèmes, Le Jardinier d'amour s'enracine dans un espace humain dont l'unité s'impose au lecteur jusqu'à la monotonie et qui est l'envers même du décor de la fable et de la cour ; l'espace extraordinairement cohérent et terriblement concret d'une communauté villageoise archaïque aux prises avec le problème quotidien de sa subsistance. Et s'il est une philosophie éparse jusque dans ses poèmes qui en paraissaient d'abord les plus dépourvus, celle-ci s'exprime dans le refus de toute transcendance el l'amour de la finitude qui ont inspiré à Tagore la solennité dolente de son hymne à la Terre : LXXIII Ô Terre, ma patiente et sombre mère, ta richesse n'est pas infinie. Tu te fatigues à nourrir tes enfants ; mais la nourriture est rare. Les joies que tu nous offres ne sont jamais parfaites. Les jouets que tu fabriques pour tes enfants sont fragiles. Tu ne peux satisfaire nos insatiables espoirs ; te renierai-je pour cela ? Ton sourire assombri par la douleur est doux à mes yeux. [ ... ] J'ai vu la douceur de ton visage et j'aime ta lamentable poussière, ô mère Terre." Jean-Michel Gardair.
Comment par le leurre de l'écriture lever le voile qui couvre le monde et le temps ? Philippe Jaccottet se veut un promeneur attentif, disponible, capable d'émerveillement aussi bien que d'effroi, et qui transmet son approche lucide, sombre ou éblouie, de la lumière en chacune de ses métamoprhoses. Il ne témoigne pas du spectacle de la nature, mais de la nature du mystère. Il participe plus qu'il n'assiste aux éblouissements fugaces qui sont autant de révélations simples sous un ciel déserté par les dieux. Il est celui qui approche au plus près du point où la vision et la vie paraissent aptes à se fondre. Comme s'il accédait, par grâce singulière et fragmentée, à une sorte d'entre-monde où la pensée est action, le sentiment intelligence, la beauté oxygène et poésie la trame secrète des jours.
L'oeuvre de Philippe Jaccottet fait escorte, parfois sombrement, quelques fois sereinement, à la part incertaine et sublime qui, par éclairs, par effractions, apparaît, déchire, force ou découvre le passage. « Je pense quelquefois que si j'écris encore, c'est, ou ce devrait être avant tout pour rassembler les fragments, plus ou moins lumineux et probants, d'une joie dont on serait tenté de croire qu'elle a explosé un jour, il y a longtemps, comme une étoile intérieure, et répandu sa poussière en nous. »
Il y a 15 ans, Akhenaton, le chanteur du groupe IAM, faisait sensation avec un morceau fleuve de 10 minutes :
« La fin de leur monde ». Un titre engagé, pamphlétaire, fustigeant la dérive de notre monde. Le clip, réalisé à partir d'images d'archives et d'actualité par l'équipe du Zapping de Canal +, a été alors censuré par TF1 et M6 pour la violence de ses images. Considéré comme la pièce maîtresse du rappeur, le morceau se concluait sur une note d'espoir :
« ça ne peut qu'aller mieux ».
En 2021, force est de constater que la situation a empiré : les combats d'hier paraissent plus nécessaires que jamais. Akhenaton redouble de colère et de lucidité, citoyen en alerte qui ne se départit jamais de son humanité.
Ce volume rassemble des poèmes de Paul Eluard (1895-1952) publiés pendant la Seconde Guerre mondiale, le plus souvent dans la clandestinité sous des pseudonymes tels que Jean du Haut ou Maurice Hervent, dans divers recueils, revues et brochures (dont L'Honneur des poètes, Minuit, juillet 1943 et Europe, Minuit, mai 1944). Ainsi le recueil Poésie et vérité 1942, publié en mai 1942 aux Éditions de la Main à la Plume, et dans lequel figurent " La Dernière Nuit et quelques autres poèmes dont le sens ne peut guère laisser de doutes sur le but poursuivi : retrouver, pour nuire à l'occupant, la liberté d'expression ".
L'un de ces " quelques autres poèmes " est Liberté.
" Et partout en France, écrit Paul Eluard dans la bibliographie du recueil, des voix se répondent, qui chantent pour couvrir le lourd murmure de la bête, pour que les vivants triomphent, pour que la honte disparaisse. "