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Creaphis
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Ex post : Une critique de l'architecture habitée
Jean-Michel Léger
- CREAPHIS
- Lieux Habites
- 9 Janvier 2025
- 9782354282004
Dans " Ex post ", trente ans après la parution de
Derniers Domiciles connus, (Créaphis, 1990) le sociologue Jean-Michel Léger revisite des logements avec architectes. Il s'agit d'une observation et une analyse d'un phénomène modélisé (conception architecturale et urbanistique) et une mise en oeuvre pour mesurer des éventuels écarts après la réalisation du phénomène observé.
Retour sur expérimentations
" Ex post " s'oppose à l'expression " Ex ante " qui enregistre les variables prévisionnelles d'une économétrie avant la réalisation.
Cet " Après les faits " se présente à la fois comme une enquête très poussée sur une dizaine d'opérations caractéristiques des années 1990-2010 en matière de mise en oeuvre du logements dans des contextes sociaux et territoriaux français très différenciés et une réflexion plus large suggérant un point de vue critique de la théorie architecturale au sein d'un moment particulier de l'histoire . Une époque qui se signale aussi comme celle des derniers feux d'un
âge d'or de la créativité architecturale. Le sociologue de l'
Usage (voir son ouvrage sous ce titre aux éditions de la Villette) qu'est Jean-Michel Léger, l'un des plus fins spécialistes de l'habitat qui, depuis son poste d'observation et de recherche du CNRS, principalement installé dans l'école d'architecture de Paris-Belleville, n'a cessé de mener l'enquête auprès de l'ensemble des acteurs de la chaîne de l'habitat (habitants, maîtres d'ouvrage, maîtres d'oeuvre, architectes, aménageurs).
Sociologie et architecture
Au croisement de l'architecture et de l'usage, le logement est en effet un bien culturel, au-delà de son statut de bien économique et immobilier, fût-il essentiel pour la société comme pour la vie quotidienne des ménages. Or la question du logement est revenue à l'agenda politique, les effets de la pandémie du Covid-19 ayant souligné l'inadaptation des logements à la pratique du télétravail mais, plus largement, l'inadéquation de logements trop petits, trop chers et mal construits.
Le livre très argumenté et très bien documenté ne se contente pas d'exposer quelques brillantes expérimentations architecturales, il les confronte à leur usage par leurs habitants, en interrogeant donc à travers l'expérience architecturale, les notions d'intention, d'invention, d'appréciation et de critique. Sont ainsi passées au crible des opérations conçues par des architectes français et étrangers.
Mise en abyme
Ne faut-il pas évaluer aussi l'évaluation elle-même, sans sombrer pour autant dans l'obsession maniaque d'une spirale évaluative sans fin ?
Au terme de ce voyage à travers les retours d'expérience, l'écart entre l'évaluation et la critique ne s'est-il pas réduit ? Que reste-t-il de la différence entre la prétendue objectivité de la première et la soi-disant subjectivité de la seconde à réaliser.
Certains chercheurs appelaient à une objectivation de la critique : ici Jean-Michel Léger propose l'inverse : une subjectivation de l'évaluation. En toute logique, les deux démarches devraient se croiser et même fusionner les savoirs et les acquis de l'une et de l'autre : connaissance théorique et culture de la première, méthode et épreuve du réel de la seconde. Peut-être est-ce à cette condition que les attendus de l'évaluation critique seront mieux respectés et suivis par les politiques comme par les praticiens, par les maîtres d'ouvrage comme par les architectes pour le plus grand bien commun des habitants.
L'ouvrage explore ainsi des franges sensibles entre intimité et urbanité, individuel et collectif, aménagement personnel et nécessité d'appliquer les règles d'un art de vivre ensemble. Sans angélisme et sans condescendance le travail critique de Jean-Michel Léger intègre des notions d'habitabilité " habitante ", d'esthétique, d'économie, d'adaptabilité et de durabilité en analysant " à tous les étages " et côté cour comme côté rue, les effets et les écarts entre projet et réalisation, conception et réception. -
L'essai au cinéma : De Chaplin à Godard
Bamchade Pourvali
- CREAPHIS
- Poche
- 9 Novembre 2023
- 9782354281984
S'il s'accomplit dans les années 1960, à travers les longs métrages de Chris Marker et de Jean-Luc Godard, la forme de l'essai au cinéma possède une longue histoire. Les deux modernités qui apparaissent avec la seconde guerre mondiale, celles d'Orson Welles et Roberto Rossellini, annoncent les deux catégories de l'essai au cinéma : l'essai documentaire et l'essai de fiction.
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L'ouvrage est un essai d'histoire sur le photographe allemand August Sander (1876-1964) à travers son oeuvre et à travers sa vie. Essai d'histoire de l'art, d'histoire technique et aussi d'histoire sociale. C'est bien d'un artiste de son temps et dans son temps, un artiste d'Allemagne mais à l'envergure universelle dont Daniel Challe entreprend le « portrait dans le portrait » : il regarde les Hommes du XXe siècle à travers le regard du photographe. Ce corpus d'images peut être sans cesse réinterprété, réinterrogé, analysé et remonté.
August Sander, artiste exceptionnel et à la trajectoire exceptionnelle, a construit une grande oeuvre malheureusement tronquée par la disparition de milliers de négatifs en 1944. Reconnu de son temps, comme lors de cette exposition très importante de 1927 à la Kunstverein de Cologne, il affirme alors, comme la ligne de conduite de toute son entreprise, ce qui sera sa formule la plus célèbre : « Voir, observer, penser. » Il y a dans le « système Sander » une intention encyclopédique à travers une typologie et une topographie (il reste ancré dans sa région de Cologne qu'il arpente avec méthode), une grande leçon de modestie, d'objectivité (que Daniel Challe décrit à travers l'évolution d'une sensibilité artistique conduisant l'artiste des premières approches pictorialistes à la Nouvelle Objectivité), une conduite jamais coupée de son époque et des influences artistiques et politiques. Musiciens, écrivains, architectes et acteurs posent pour le photographe qui commence à travailler au grand projet artistique de sa vie. Ce regard « objectiviste » sur la réalité sociale de son époque - à partir d'un inventaire à teneur sociologique des types humains, des différentes classes et catégories socioprofessionnelles - est réuni dans son livre de 1929 Antlitz der Zeit (Visages d'une époque) très bien accueilli à sa sortie.
De la même façon et avec la même rigueur technique August Sander observe le paysage qui l'environne dans l'Allemagne de son temps. Sa recherche porte sur les liens existant ou pouvant exister entre les humains et l'environnement de différentes régions de son pays. L'arrivée des nazis marque un très violent et douloureux tournant dans la vie et l'oeuvre du photographe et de sa famille : l'un de ses fils est emprisonné et meurt en 1944 ; la même année une grande partie de ses négatifs est détruite dans un incendie. Malgré cette brisure irréparable il continue son travail qui atteint une nouvelle reconnaissance internationale en Allemagne et aux États-Unis.
Daniel Challe analyse cette trajectoire avec sous tous ses aspects y compris les moins connus et présente avec la même clarté les contextes d'émergence des portraits, des paysages et des études botaniques en rendant ainsi justice à l'esprit de la démarche du photographe. Il met ainsi en valeur l'universalité du langage photographique. L'auteur convoque toutes sortes de sources et d'éléments comme des extraits des conférences radiophoniques sur la photographie que Sander a donné régulièrement dans les années 1930 mais aussi des auteurs, des historiens, des spécialistes de l'Allemagne contemporaine de Sander et des penseurs de la photographie (comme Simone Veil, Chris Harman, Philippe Artières, Olivier Lugon ou encore John Berger et Roland Barthes).
Daniel Challe engage aussi sa propre réflexion sur son temps, soucieux de monter en quoi la « cosmogonie » Sander a laissé une empreinte durable non seulement dans l'histoire de l'art photographique mais aussi dans les pratiques artistiques contemporaines. Cet art documentaire, à mettre en relation avec celui des photographes français (comme Eugène Atget) ou américains (comme Walker Evans), continue d'exercer une influence considérable sur les jeunes générations de photographes.
L'approche de Daniel Challe est originale en ce sens qu'il est lui-même photographe et que sa réflexion personnelle est motivée par un retour sensible sur sa propre pratique, sans pour autant développer la moindre référence à son propre travail ni à son métier d'enseignant.
Il dit lui-même, en justifiant son désir d'écriture : Le livre de Sander est donc non seulement un document d'histoire, mais aussi une utopie. Utopie d'une autre Europe : celle dont nous sommes nombreux à rêver mais que nous ne voyons pas advenir. [...] Un photographe, un pays, c'est un beau programme pour écrire l'histoire, pour raconter ce qui me touche dans cette oeuvre photographique plus que dans aucune autre. J'ai essayé de me tenir modestement à ce fil. -
Hervé Guibert, l'envers du visible
Vincent Jacques, Claire Pagès
- CREAPHIS
- 8 Décembre 2022
- 9782354281809
Écrivain mondialement connu, surtout après la publication de A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie (Gallimard, 1990), mais aussi photographe, critique, scénariste, cinéaste, Hervé Guibert (1955-1991) n'a cessé de questionner les images.
« Ceux qui se livrent à l'écriture, sans doute, ne peuvent plus écrire comme autrefois, du temps d'avant l'image photographique, télévisuelle, cinématographique ». Écrire sur l'image, son rapport à la mort et au désir tout en y tissant une trame autobiographique sera le propre de son livre L'Image fantôme (Minuit, 1981). Dans Des aveugles (Gallimard, 1985), les mêmes thèmes sont explorés à partir de l'envers du visible. Dans toute son oeuvre, Guibert a travaillé sur l'envers des images et sur les ficelles cachées des marionnettes du réel (aveuglement, incognito, faussaires, fictions, leurres, fantômes, cires anatomiques, etc.) sans jamais réduire le visuel au vu ou à l'aperçu et en donnant tout son sens à la notion de visible. D'un autre côté, sa pratique de photographe, par exemple dans Suzanne et Louise, un roman-photo sur ses deux tantes (1980, 2005 et 2019), se confronte sans cesse à l'écriture.
Le livre, sur une idée des philosophes Claire Pagès et Vincent Jacques, réunit une dizaine de contributions et entretiens sur la question du visible dans l'oeuvre (littéraire, photographique, cinématographique, critique) d'Hervé Guibert.
Entre fantasmagorie et documentaire, comment définir l'écriture hybride de Guibert ? Si l'écrivain s'est interrogé sur la spécificité photographique à l'égard de la tradition picturale, explorant la dimension du reportage, nous pouvons questionner en retour la particularité de l'écriture en lien avec l'image photographique.
On a beaucoup écrit sur l'écrivain, un peu moins sur le photographe : la thématique transversale de cet ouvrage permet d'aborder différemment l'oeuvre littéraire, mais aussi de la saisir comme pensée de l'image et de la situer dans le contexte de la réception de son oeuvre. -
C'est mon pavé, c'est mon bitume : À Clichy
Hortense Soichet, Maria Letizia Piantoni
- Créaphis
- Foto Creaphis
- 7 Mai 2025
- 9782354282196
Les yeux ouverts et tout à l'écoute d'une ville, les photographes Maria Letizia Piantoni et Hortense Soichet ont arpenté en tous sens les lieux et rues et places de Clichy, tout près de Paris.
" Je ne suis jamais partie. J'ai pas mal voyagé mais je n'ai jamais voulu partir de Clichy. Pourquoi ? C'est mon pavé, c'est mon bitume. C'est inexplicable. Je ne suis pas parisienne, je suis clichoise tout en étant très urbaine. "
Les yeux ouverts et tout à l'écoute d'une ville, les photographes Maria Letizia Piantoni et Hortense Soichet ont arpenté en tous sens les lieux et rues et places de Clichy, tout près de Paris. Au cours de leur déambulation, elles ont rencontré les personnes qui y vivent et qui leur ont parlé de leur quotidien et du sentiment d'être clichois, de longue date ou tout récemment. Elles ont pris soin d'enregistrer ces paroles en regard de leur travail de photo graphie. Il en résulte un portrait pluriel, sensible et très vivant d'une ville métropolitaine en pleine transformation. -
En 1968, un barrage est construit dans le resserrement d'une vallée, noyant 700 hectares. De nombreux habitants doivent quitter leur terre. Antoine Picard a enquêté auprès des habitants et des spécialistes de la vallée du Salagou. Son récit documentaire fragmentaire où toutes ces paroles et empreintes visuelles cohabitent dessine la complexité du territoire et de son histoire.
Le ruisseau serpente au milieu de la ruffe, une roche sédimentaire rouge, au coeur d'un territoire très sec. La viticulture domine. Dans les années 1950, les pouvoirs publics préconisent d'arracher les vignes et de planter des vergers. Ils anticipent la nécessité de créer un réservoir d'eau pour l'irrigation des fruitiers prometteurs.
En 1968, le barrage est construit et le site est mis en eau. De nombreux habitants quittent leur terre mais la montée des eaux n'atteindra finalement jamais le niveau prévu. Le village a été évacué pour rien. Dans les années qui suivent, les maisons sont pillées, tombent en ruine. Des grillages protecteurs assurent la sécurité du site. D'anciens habitants luttent. Ils veulent que leur village revive. Ils restent mobilisés durant cinquante ans. En 2019, trois nouvelles familles s'installent. Le hameau, proche du barrage, aurait lui aussi dû être inondé. Il n'a pas eu la même chance : il est rasé, à l'aube, un matin de 1986.
Pendant trois années, Antoine Picard a enquêté auprès des spécialistes (géologue, botaniste, biologiste, pêcheur, plongeur, agriculteur...) et des habitants (nouveaux arrivants et autochtones) de la vallée du Salagou. Il a développé un récit documentaire fragmentaire où toutes ces paroles et empreintes visuelles cohabitent pour dessiner la complexité du territoire et de son histoire. Il s'est inspiré de faits réels et situés, pour atteindre une dimension universelle qui résonne en chacun de nous, faisant référence à nos histoires familiales, à leur enfouissement dans nos mémoires, et paradoxalement à leur présence toujours saillante. Le paysage devient la métaphore des transformations intérieures, des secrets et des transmissions inconscientes. -
Petite philosophie pratique de la prise de vue photographique
Pauline Kasprzak, Jean-Christophe Béchet
- CREAPHIS
- Poche
- 19 Juin 2014
- 9782354280864
(Texte provisoire)
Au cour de l'acte : le cadrage
Champ/hors champ
Règles de composition
Prévisualisation du réel
Recadrage/recomposition : jusqu'où aller ?
L'instant décisif ?
L'appareil : outil ou instrument ?
Les cerveaux électroniques
Art et industrie
Comment choisir ses photos : l'éditing
Les différents temps de la photographie
Un art matériel
Quel format, quel support ?
Le rapport au réel
La photographie dans le marché de l'art
La notion d'original
Professionnel, amateur, artiste : quelles différences ?
Depuis cent cinquante ans, l'industrie photographique n'a cessé de se développer en lien avec l'essor de la " civilisation de l'image ". Le geste de " prendre des photos " est devenu une pratique courante et banale, en apparence d'une grande simplicité. Pourtant l'acte photographique est plus complexe qu'il ne paraît. En tant qu'usage social, il se situe entre technique et art, consommation et création, normes et marges.
Le photographe Jean-Christophe Béchet et Pauline Kasprzak, en philosophe, interrogent la prise de vue sous la forme d'un dialogue, confrontant " théorie " et " pratique ".
L'entretien s'articule autour de plusieurs questions déclinées en courts chapitres : cadrage/composition, avant/après, l'appareil, l'éditing, la matière, le réel et le marché de l'art. -
Le cimetière juif de Thessalonique
Martin Barzilai
- Créaphis
- Foto Creaphis
- 19 Octobre 2023
- 9782354282035
En 1942, les Allemands exproprient le cimetière juif de Thessalonique, alors le plus important d'Europe. Les pierres tombales seront utilisées comme matériel de construction dans la ville, par les Allemands puis par les Grecs. Le photographe Martin Barzilai est parti à la recherche de ces fragments de tombes disséminés en menant l'enquête autour de cette mémoire fantôme.
À la suite de la Reconquista, Isabelle la Catholique expulse les juifs d'Espagne en 1492. Ils sont accueillis dans l'Empire ottoman, en particulier dans les Balkans et à Salonique. Ils représentent, au xviie siècle, la moitié de la population et, jusque dans les années 1920, sont majoritaires face aux communautés grecque et turque. Dans ce contexte, les juifs de Salonique conservent leur langue : le judéo-espagnol ou ladino.
Le cimetière juif de Thessalonique est alors le plus important d'Europe. On estime qu'il contenait environ 300 000 tombes. Une grande partie des inscriptions en caractères hébraïques sur ces stèles ont un sens en ladino et non en hébreu, ce qui les rend difficilement déchiffrables de nos jours.
En 1942, alors qu'ils tiennent la ville depuis un an, les Allemands exproprient le cimetière en échange de la libération de 6 000 travailleurs prisonniers juifs, contraints aux travaux forcés. Les pierres tombales seront utilisées comme matériel de construction, par les Allemands puis par les Grecs, notamment pour l'enceinte de la nouvelle gare ferroviaire et dans un grand nombre d'autres chantiers. Aujourd'hui, on les retrouve à travers toute la ville et au-delà.
À cet effacement culturel, s'ajoute la destruction physique de la communauté. En effet, c'est à partir de février 1943, que furent appliquées les lois de Nuremberg imposant le port de l'étoile jaune et les restrictions de circulation. Les déportations eurent lieu entre mars et août 1943. Environ 54 000 juifs de Thessalonique furent exterminés, soit 96% de la population juive de la ville. Seule la communauté polonaise connut un taux d'extermination plus important. La plupart des juifs saloniciens furent gazés dans le camp d'Auschwitz Birkenau.
Le photographe Martin Barzilai s'est rendu à plusieurs reprises à Thessalonique depuis 2018, à la recherche de ces fragments de tombes disséminés dans la ville, de ce qui a été rendu invisible, ces traces qui ont résisté au temps. De cette enquête il en a aussi tiré un journal et des entretiens avec des personnes concernées par cette mémoire fantôme.
Deux historiennes interviennent en contrepoint pour éclairer cette histoire : Kate?ina Kralova et Annette Becker.
Quelles sont les traces de ce passé dans la ville et dans les mémoires ? Comment se manifeste cette présence fantomatique qui articule, dans un même lieu, présence et disparition ? Comment est-elle perçue par les habitants ? -
Demandez le programme ! : Une histoire du cinéma (1894-1930) par les programmes des lieux de project
Laurent Mannoni
- CREAPHIS
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- 4 Janvier 2024
- 9782354282011
Comment le cinéma muet était-il vu, en son temps ? Avec cet ouvrage, l'étude de l'expérience des spectateurs s'enrichit d'une analyse détaillée des programmes de cinéma, dans leur contenu et dans leur matérialité. Des feuilles imprimées les plus modestes aux merveilleux livrets du Gaumont-Palace, ces documents témoignent de la culture matérielle de l'époque (1894-1930).
Comment le cinéma muet était-il vu, en son temps ?
Avec cet ouvrage, l'étude de l'expérience des spectateurs s'enrichit d'une analyse détaillée des programmes de cinéma, dans leur contenu et dans leur matérialité. Des feuilles imprimées les plus modestes aux merveilleux livrets en couleurs du Gaumont-Palace, de l'affichette foraine à la brochure de style Art déco, ces documents témoignent de la culture matérielle de l'époque (1894-1930).
Au croisement des arts visuels et des techniques publicitaires, ils reflètent l'extraordinaire variété du cinéma des premiers temps, tenu pour un spectacle vivant, une " attraction ". Les projections, avec leurs accompagnements musicaux, prenaient place en ville ou au dehors des centres urbains. Outre les salles des quartiers populaires ou bourgeois, les programmes évoquent d'autres intérieurs : baraque foraine, café-concert, music-hall, salle de théâtre. Ces sources d'une exceptionnelle qualité, jusqu'ici peu étudiées, font apparaître en creux le public de l'époque du muet, ses sensations et ses émotions, individuelles et collectives.
SOMMAIRE
Rencontre entre Jean-Jacques Meusy et Laurent Véray
Retour aux sources
Laurent Mannoni
Essai de typologie des programmes de cinéma, 1896-1930
laurent guido - Du music-hall au cinéma, le programme comme modèle spectaculaire
Jean-Marc Leveratto, Fabrice Montebello, Pierre Stotzky
Le café et la mise en forme du loisir cinématographique dans la France de la Belle Époque
Francesca Bozzano
Pierre Sarrus et les tournées du Ciné-Phono-Scène dans le Sud-Ouest de la France durant les années 1910-1920
Martin Barnier
Les sons du cinéma muet à travers les programmes. Des séances de forains jusqu'aux salles spécialisées
Laurent le Forestier
Marchés et modes de consommation des films en France : considérations méthodologiques
Laurent Véray
Montrer des films en 1915-1918. Études de deux séries de programmes caractéristiques du spectacle cinématographique de la période
Emmanuelle Champomier
Les programmes des salles de cinéma dans la presse française des origines à la fin des années 1920
François de la Bretèque
Loin de Paris : les programmes dans la presse quotidienne régionale et les hebdomadaires locaux de l'Hérault entre 1908 et 1920
Annie Fee
L'évolution artistique du cinéma à travers les programmes et les cartons d'invitation des années 1920
Carole Aurouet
La " revue-programme " du Studio 28 : une archive de salle et un manifeste surréaliste pyrogène
Maurice Gianati
Un ciné-club d'avant-garde dans les années 1930 : les Amis de l'Art cinématographique de Liège -
Depuis le moment où il a rencontré le flamenco dans son milieu andalou jusqu'à ses dernières méditations, Frédéric Deval (1951-2016) n'a eu de cesse de chercher à cerner la nature profonde de l'expérience musicale - celle des musiciens, des auditeurs, et de l'alchimie les unissant le temps du partage.
Depuis le moment où il a rencontré le flamenco dans son milieu andalou jusqu'à ses dernières méditations, Frédéric Deval (1951-2016) n'a eu de cesse de chercher à cerner la nature profonde de l'expérience musicale - celle des musiciens, des auditeurs, et de l'alchimie les unissant le temps du partage. Cette recherche empirique, quasi existentielle, a construit sa trajectoire dans une programmation artistique centrée sur la liberté de créer à plusieurs, au-delà de toute assignation à identité ou communauté.
À tous les instants de sa pratique, Frédéric Deval s'est ainsi interrogé sur les conditions et les modalités de la rencontre entre musiciens d'horizons, de langues et de traditions musicales différentes, dont une partie ayant expérimenté la migration. Tout en proposant des modalités ad hoc pour faire émerger une création musicale inédite ou ,plus justement, inouïe, il a cherché à saisir ce qu'est une communauté d'écoute pour les musiques du xxie siècle et dans quels types de lieux et de géométries elle peut naître et se développer.
Les textes réunis dans ce livre posthume pour rendre compte de cette visée présentent une partie des écrits de Frédéric Deval, par ailleurs auteur ou directeur de trois ouvrages. Ils ont été retenus à partir de deux principes. Le premier est d'embrasser toute la durée de son écriture, depuis les années 1980 jusqu'à sa mort. Le second est de rendre compte de la diversité de ses interventions écrites, depuis la critique de disques ou de spectacles jusqu'aux essais parus dans des revues, depuis de brèves introductions à des concerts, qui font écho à son talent pour dessiner en quelques traits au stylo des portraits ou situations, jusqu'aux présentations d'albums CD et aux textes nourris et argumentés d'introduction aux grands cycles de création qu'il a imaginés dans le cadre de la Fondation Royaumont.
Introduits par un texte saisissant de mise en perspective de sa propre trajectoire, les écrits de Frédéric Deval sont ensuite organisés comme en carré, dont les quatre côtés sont L'art jondo , Rythme, souffle et voix , le cercle, ou l'expérience musicale , les musiques transculturelles . Pour chacune des quatre parties, nous partons des textes les plus récents pour aller vers les plus anciens - sorte de généalogie à rebours qui met au jour les sédimentations de son travail et de sa pensée.
Petites géométries de l'expérience musicale se place tout entier sous le signe de l'adresse , mot qui scande les pages qui suivent. Analyse cardinale de l'action culturelle liée à l'expérience musicale dans nos sociétés contemporaines selon l'ethnomusicologue Denis Laborde, il est destiné aux étudiants, chercheurs, programmateurs artistiques, tout comme aux publics de concerts ou aux lecteurs intéressés par la musique. Tout autant, il s'adresse aux musiciennes et musiciens qui ont cheminé avec Frédéric Deval et fait oeuvre dans les espace-temps qu'il savait créer ; celles et ceux qui, jeunes ou moins jeunes, ne se satisfont pas des catégories imposées et recherchent des manières d'être ensemble en musique.
Petites géométries de l'expérience musicale est édité et présenté par Ghislaine Glasson Deschaumes (Université Paris Nanterre), préfacé par Denis Laborde (CNRS/EHESS) et postfacé par Francis Maréchal (Fondation Royaumont). -
L'adresse au paysage : figures de la montagne de Linck à Werefkin
Jean-François Chevrier, Elia Pijollet
- CREAPHIS
- 25 Mai 2023
- 9782354281953
Les auteurs proposent une lecture des représentations de la montagne depuis les dernières décennies du XVIIIe siècle - quand la moyenne et haute montagne des Alpes devient un sujet pour les peintres - jusqu'aux années 1930.
Les auteurs proposent une lecture des représentations de la montagne depuis les dernières décennies du XVIIIe siècle - quand la moyenne et haute montagne des Alpes devient un sujet pour les peintres - jusqu'aux années 1930. Tableaux, aquarelles, dessins, gravures et photographies, certains célèbres et incontournables , d'autres méconnus, plus rarement vus, mais tous de grande qualité, ont été très précisément choisis.
La montagne , une et multiple, est une formation géologique immémorielle et vivante, une entité imaginaire ettopographique, un objet d'étude et de projection fantasmatique, un milieu habité et un motif pictural inépuisable...
S'adresser au paysage suppose qu'il n'est pas qu'étendue (géographique), milieu (biologique) ou décor (d'une intrigue ou d'un récit) ; cela suppose qu'il constitue une entité suffisamment personnifiée pour être le destinataire d'une parole ou d'une pensée adressée ; on s'adresse à quelqu'un. L'idée romantique que le paysage peut véhiculer, manifester, refléter ou exprimer un état d'âme a contribué à cette possibilité d'une adresse au paysage .
Le premier ressort de l'intérêt pour la montagne qui se manifesta à l'époque des Lumières fut scientifique : ce milieu retiré et hostile, haut-lieu de l'imaginaire, matrice de mythes et de légendes, devint alors un terrain d'étude pour les naturalistes, qui s'attelèrent à résoudre les énigmes de la formation des reliefs géologiques, du cycle de l'eau, des effets de l'altitude... Les deux approches - puissance imaginaire et visée de connaissance - ont orienté également le travail des artistes confrontés aux paysages alpins. Elles constituent deux veines, deux tendances qui, souvent, se mêlent au sein d'une même oeuvre, à des degrés divers et de manière plus ou moins délibérée de la part de l'artiste. L'exposition et le livre présentent certains aspects particulièrement saillants de cette histoire.
Ouverts avec Linck, soit une pratique de la peinture accordée à une connaissance de la montagne, ils débouchent sur l'oeuvre expressionniste de la peintre russe Marianne Werefkin (1860-1938), encore très peu connue en France, dont le musée d'Ascona a consenti le prêt exceptionnel de huit grandes peintures.
Formée au grand style réaliste à Saint-Pétersbourg, elle interrompit une carrière prometteuse pour poursuivre sa quête d'un art nouveau. En 1896, elle s'installa à Munich avec Alexei Jawlensky, qui fut son compagnon pendant près de trente ans. Après l'aventure du Blaue Reiter, et la Grande Guerre, elle passa les vingt dernières années de sa vie à Ascona, qui était alors un village de pêcheurs, sur la rive suisse du lac Majeur. Déjà présent dans sa peinture, le motif de la montagne se renforce, multipliant les symboliques, parfois jusqu'à l'allégorie. Les hautes montagnes au profil caractéristique qui entourent le lac y apparaissent souvent, bien que transfigurées par la force expressive de la couleur. Elles sont à la fois des figures à part entière et le cadre de scènes hallucinées où l'être humain et la grande nature se confrontent, dans un rapport de force variable allant de la coexistence harmonieuse à l'exploitation.
ARTISTES REPRÉSENTÉS :
Giuseppe Pietro Bagetti - Louis Bélanger - Samuel Birmann - Bisson Frères - Marc-Théodore Bourrit - Adolphe Braun - Paul Cabaud - Alexandre Calame - Carl Ludwig Hackert - Victor Hugo - Pierre-Louis de La Rive - Jean-Antoine Linck - Gabriel Loppé - Frédéric Martens / Eugène Cicéri - Johann Jakob Scheuchzer / Johann Melchior Füssli - Vittorio Sella - Giorgio Sommer - Charles Soulier - Georges Tairraz (père) - Élisabeth Vigée-Lebrun - Marianne Werefkin - Edward Whymper - Caspar Wolf -
Après. conversation avec Christian Boltanski
Octave Debary
- CREAPHIS
- Poche
- 20 Avril 2023
- 9782354281847
Depuis plusieurs années Octave Debary, professeur à l'université Sorbonne-Paris-Cité et directeur du centre d'anthropologie culturelle (Paris-Sorbonne), développe un projet d'anthropologie comparée de la mémoire et du temps. En s'intéressant à la façon dont une société met en mémoire (et en musées) son histoire, ses recherches l'ont conduit à l'étude de l'art contemporain dans ses rapports à la mémoire collective et individuelle. Au-delà de sujets, il s'agit de construire une posture et une analyse qui promeuvent une dimension collaborative, comme avec les artistes allemands Jochen Gerz et Swaantje Güntzel et comme ici avec l'artiste français Christian Boltanski. Ce livre s'inscrit dans une recherche entreprise depuis presque vingt années sur les « artistes de la mémoire » et constitue une contribution originale et importante au développement d'une anthropologie de l'art et de la réception.
Ce livre a comme sujet principal les relations entre l'anthropologie et l'art contemporain. Il s'est construit pendant toute une année en intelligence et en connivence avec Christian Boltanski. Figure centrale de l'art contemporain dont les oeuvres sont présentes dans le monde entier, Boltanski parle de son travail en évoquant les tracés d'un art fragile, d'un art de l'ordinaire et du commun mais aussi de la musicalité, de la mémoire... Ses oeuvres d'abord présentées sous forme d'objets (inventaires, photographies, documents, pièces à conviction, vitrines de références...) ont établi autant l'existence d'une histoire individuelle que leur ressemblance à celle des autres. L'artiste a poursuivi son travail autour d'objets de plus en plus fragiles, davantage reliés à une existence en suspens, à une transmission parlée, sonore, du mot à la note, dont sa dernière grande exposition Faire son temps (Centre Georges-Pompidou, 2019), comme son opéra comique Fosse (2020) et l'exposition Après (2021) sont les ultimes expressions.
La raison d'être de cet ouvrage est marquée par la volonté (au-delà d'un apport documentaire, journalistique ou critique...) de promouvoir une anthropologie dialogique, où la prise de parole n'est pas le seul fait du chercheur. Octave Debary suit le chemin d'une pensée qui laisse une place à ses « enquêtés » à l'intérieur même de son propre texte, offrant ainsi au lectorat la matière première d'énonciation du discours de l'artiste. -
Engagé dans un projet artistique d'envergure, le photographe Philippe Bazin propose une réflexion sur son travail à la lumière des photographies des autres. Il oriente sa pensée sur la question de la photographie comme document critique et réunit ses analyses d'oeuvres de photographes importants comme Lewis Baltz, Allan Sekula, Martha Rosler ou encore Bruno Serralongue, en les rapprochant de photographes moins connus comme Géraldine Millo ou Mahaut Lavoine.
Les articles rassemblés dans ce court volume sous le titre Pour une photographie documentaire critique témoignent d'une pensée féconde et cohérente prenant en compte les contextes historiques, esthétiques et idéologiques dans lesquels cette photographie se crée aujourd'hui. Chaque écrit ouvre une nouvelle facette d'un même objet d'étude. La conclusion unifie l'ensemble et propose de développer une méthodologie originale que l'auteur qualifie d'« attitude documentaire » inspirée des avant-gardes artistiques et inscrit la démarche d'écriture dans sa profondeur historique et expérimentale.
Ainsi, tout le livre se veut un manifeste prospectif pour une ouverture pragmatique, dans le sens d'une politique des images, sur l'avenir de la photographie documentaire et le monde. Chez Bazin, une distance constante est recherchée, d'avec une forme d'humanisme qui ne serait plus que de l'humanitarisme condescendant, d'avec une pure satisfaction des émotions, au profit d'un travail collaboratif aussi bien lors de la production que de l'exposition, proposant un partage du sensible pouvant réintégrer une « émotion documentaire » (selon l'expression de Christiane Vollaire). Le livre ne recule pas devant ses possibles aspects polémiques et veut créer le débat autour des rapports des images à l'espace public et d'une photographie critique comme contre pouvoir.
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Il y a huit millions d'années, alors que l'actuel territoire du Coiron (Ardèche) était une large vallée parcourue par une rivière, un volcan a surgi. Le magma expulsé par de nombreuses cheminées a recouvert peu à peu la vallée. L'érosion effaça ensuite les roches les plus tendres. Les sédiments marneux qui composaient les versants de la vallée furent détruits. Au cours des millions d'années qui suivirent, les couches de lave s'accumulèrent. Le plateau s'élevait, il sortait de terre comme une île. Les géologues parlent aujourd'hui de relief inversé. C'est comme si l'ancien fond de vallée avait servi de moule au plateau, ou comme si le plateau était devenu une relique de la vallée disparue.
« Ensuite il y a le corps du pays. J'appelle paysage le corps des pays, sur le plateau du Coiron et ailleurs. Le corps du pays, volcanique et émacié, est marqué, couturé, jalonné de signes, de traces tangibles. Le pays a aussi une histoire, elle est vieille comme le monde. Géologie et généalogie ne se sépareraient pas. Ici, quelque chose a eu lieu, une histoire d'érosion et d'inversion entre calcaire et basalte, on parle joliment de relief inversé ; je lis aussi que le plateau du Coiron est l'un des bastions ultimes du Massif Central, campé à l'exacte confluence des régimes climatiques méditerranéens et continentaux. Ici donc quelque chose a eu lieu dans la nuit longue des temps ; le relief et les pierres le disent, le racontent à qui veut, et sait, le voir, le toucher, le déchiffrer de l'oeil, de la main et du pied. C'est plus ou moins spectaculaire et manifeste, entre hiéroglyphes infimes, furtifs, graphiques, qu'il faut dénicher, et chicots gris ou bourrelets mafflus, dykes et necks, falaises impérieuses, plis, fentes boisées, chemins opiniâtres, éboulis, drapés qui arrêtent le regard et interrogent. » (M.-H. Lafon) En arpentant ce paysage, le photographe Antoine Picard a observé les falaises, les roches écoulées, les murs de lave enfouis dans les fissures souterraines, les pierres affleurantes. Puis il s'est approché à la rencontre des habitants d'une des fermes du plateau. Florentin, son frère émilien et leur famille vivent là. Leurs ancêtres ont ouvert la terre, taillé les chemins à coups de dynamite, cherché les sources, débroussaillé et monté les murets de pierres noires pour clôturer des prés. Eux, nouvelle génération, habitent cette surface du Plateau et constituent la strate (humaine) la plus actuelle de son histoire.
« Au commencement ils surgissent ; ils, les garçons, les deux ; ce sont des frères, ce sont des fils, des neveux, des petits-fils, des petits-neveux ; ils sont liés, reliés, ils ont une histoire, une famille, une généalogie. Ils ont de jeunes corps, affûtés, véloces, souples et drus. Ils ont des prénoms doux et sonores, chantants, accordés, Florentin et Emilien. » (M.-H. Lafon) Ils ont cherché les pierres du dessous qui remontent à la surface. Ils sont rentrés dans les grottes avec l'impression de rentrer dans la chair du plateau. Ils ont greffé les châtaigniers de leur grand-père. Ces motifs, géologiques ou agricoles racontent comment nous grandissons tous avec une histoire souterraine, enfouie dans notre mémoire. Ils évoquent notre faculté à nous arranger avec ce qui est là pour fabriquer autre chose, à nous nourrir de nos origines tout en assimilant ce qui est autour, à jouer d'une alternance entre le dessus et le dessous, le dissimulé et l'apparent.
Marie-Hélène Lafon est venue plusieurs fois, a séjourné sur le Plateau, a rencontré la famille. Les photographies en tête, elle a écrit ce texte (inédit) en deux parties, mêlant fiction et histoires quotidiennes de famille (celle des ces frères ou la sienne), décrivant son expérience du paysage d'ici tout en revenant, toujours, vers le sien, à l'autre bout, le Cantal.
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Après Presque une conception du monde publié en poche chez Créaphis (2007), l'écrivain de cinéma Gérard Leblanc, essayiste, poète et cinéaste interroge ici le devenir du film : qu'en a-t-on fait, qu'en fait-on, que pourrait-on en faire ? Le questionnement revêt une double dimension, historique et prospective. Il s'agit de saisir le film en devenir à travers les transformations du cinéma qui, moins que jamais, ne saurait se réduire à un seul mode de production et de circulation.
à partir d'une réflexion menée autour des transformations liées aux pratiques et aux usages nouveaux du film, Gérard Leblanc invite à une lecture critique et poétique de certaines oeuvres de cinéastes et d'écrivains (Alain Cavalier, Marcel Pagnol, Alexandre Dumas...), mais aussi sur ses propres films documentaires. Cette écriture audacieuse, documentée et critique, témoigne de la subjectivité d'un auteur dont la pensée féconde et foisonnante interroge constamment le réel du cinéma.
Toujours plus proche de la vie, le film est le lieu d'une double métamorphose : celle des subjectivités et celle de toutes les réalités. Deux pôles qu'on ne peut séparer. De ce point de vue le livre ouvre des pistes nouvelles et en réactive quelques unes plus anciennes trop vite abandonnées.
Douze textes devenus introuvables et deux autres inédits forment la matière de l'ouvrage. Le ton très personnel est celui d'un penseur libre de toute contrainte ou de toute chapelle.
Comme dans son travail important surs les cinéastes Fritz Lang ou Georges Franju, Gérard Leblanc a l'habitude d'inviter le lecteur, y compris non spécialiste, à un travail de réflexion sur le film aujourd'hui et en devenir, ses dispositifs, sa matière et ses composantes, son imaginaire, ses relations à la science et à la technique, son idéologie et plus largement aux rapports entre vie et cinéma.
Gérard Leblanc, dans ce nouvel opus, s'affirme comme un écrivain fécond - certes inclassable - dont la vivacité et l'oeil critique sont appréciés bien au-delà des lieux où il a enseigné, à l'université ou à l'école nationale supérieure Louis Lumière.
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Habiter Berlin, Wie Berlin wohnt, 1900-1920
Philippe Bonnin, Margaret Manale
- CREAPHIS
- Lieux Habites
- 22 Septembre 2016
- 9782354281052
Ce livre rassemble 175 photographies d'intérieurs berlinois réalisées entre 1903 et 1920, pour le compte d'une enquête " hygiéniste " sur l'habitat menée par une caisse locale d'assurance maladie des métiers du commerce. L'objectif de cette campagne photographique d'ampleur était d'inciter à l'amélioration de l'habitat berlinois et à l'éradication de l'insalubrité. Cette collection est exceptionnelle dans l'histoire de la photographie, à plus d'un titre : par son thème : approche photographique des espaces domestiques en présence de leurs occupants ; par son époque : juste avant et pendant la Grande Guerre ; par sa durée : sur deux décennies ; par son unité de lieu, au coeur de Berlin ; par sa prouesse technique : photographier des intérieurs sombres constitue une difficulté majeure.
Le document dans son ensemble renseigne également tout un pan de l'économie liée au travail à domicile. L'articulation logement/atelier est très explicite : on perçoit l'espace du travail et les dispositifs techniques qui s'y rattachent. Par leur qualité, leur vérité, leur rigueur documentaire (notamment par la précision des légendes), elles sont saisissantes et peuvent susciter un certain effroi au vu des conditions d'habiter une métropole ouvrière au tournant du XXe siècle.
Elles nous font pénétrer au sein des foyers et de l'espace privé des classes populaires, dans l'univers des mal logés et même des sans-abri qu'on y accueille.
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Ce livre réunit 28 portraits et retranscrit en miroir les paroles de travailleurs résidant en foyer à Clichy. Cet ouvrage au format passeport est facile à faire circuler. Là il s'agit d'une sorte de passeport de sa propre mémoire (dite dans les récits de vie) à transmettre avec les photographies prises dans les lieux même de l'expérience migratoire, à travers le travail et logement.
Le choix de réaliser un ouvrage de taille modeste mais de très belle facture est lié au projet de restitution (d'où le terme merci dans le titre).
Olivier Pasquiers est photographe. Né en 1960 à Paris, a fait partie du collectif de photographes Le bar Floréal . -
Jardin de l'ombre / An almost nothing
Philippe Bonnin, François Sagnes, Oliver Waine
- CREAPHIS
- Foto Creaphis
- 11 Janvier 2024
- 9782354281991
" Réflexion sur le monde et sur la vie pour laquelle ni les pensées sur la ruine issues du XVIIIe siècle, ni celles d'une mélancolie issue du romantisme, ni les fascinations aujourd'hui en vogue pour les espaces délaissés, les friches industrielles, les végétalisations d'adventices, ni les notions de résilience ne paraissent aptes à nous donner des outils d'analyse pertinents, et me semblent pour le moins inopérantes s'agissant de cette base sous-marine. Alors quoi ?
Au fond, la photographie comme récolte ni fabrique d'images ne m'importe pas vraiment. Ce qui active ma pratique de la photographie, c'est juste de pouvoir poser des questionnements sur notre vue des choses par un certain cheminement dans l'espace, une certaine qualité de la lumière, une pierre, une herbe, une strie.
Images de réflexion. "
F. S.
Jardin de l'ombre est une suite de quatre-vingt-seize photographies sur l'espace du dessus de la toiture de la base sous-marine de Bordeaux. Les prises de vues en ont été réalisées de mai 2008 à juin 2009, à la chambre sur trépied. L'ensemble de cette série est composé en cinq parties, I à V, selon des choix déterminés d'axes de vue diversifiés, de la perspective des travées à la frontalité aux murs, ainsi que selon des distances du regard qui dictent les cadrages. Les tirages originaux, réalisés en argentique par l'auteur, ont pour dimensions selon les sous-séries : I et II : 16 x 22 cm ; III : 23,7 x 33 cm ; IV : 24 x 20 cm et V : 20 x 24 cm. Le livre reproduit cinquante-deux photographies de l'ensemble. -
Cet ouvrage collectif aborde l'oeuvre de Chris Marker par un angle original : la photographie.
Cet ouvrage collectif aborde l'oeuvre de Chris Marker par un angle original : la photographie. Cela n'exclut bien entendu par le cinéma mais le livre aborde la spécificité de la relation que Marker entretient avec le medium photo. Soulignons que ce travail n'a jamais vraiment été entrepris : les études sur Marker sont quasi exclusivement consacrés à ses films tandis que les histoires de la photographie contemporaine font l'impasse sur cette part de l'oeuvre (en France comme à l'étranger).
Intention générale Il s'agit d'une réflexion plurielle. Difficile de le définir celui qui ne s'est jamais laissé enfermé dans aucune définition. Homme-monde selon Raymond Bellour, Chris Marker (1921-2012) a traversé le court xxe siècle des historiens et l'avènement du xxie siècle. Il n'a cessé de s'intéresser à l'histoire de son siècle. Touche-à-tout de génie, ses écrits, films, vidéos, installations et créations multimédias sont traversés par la photographie, comme par un fil d'Ariane. Ces images ont accompagné le rapport du cinéaste à son temps et aux multiples espaces parcourus aux quatre coins du monde. Il a pu ainsi, dans une attitude de partage constant et selon une posture politique et artistique qui lui étaient propres, en saisir les mutations, les révolutions et les interrogations.
Il peut sembler paradoxal de proposer un ouvrage sur la photographie chez Chris Marker alors que son oeuvre est réputée être un tout, une sorte d'édifice dont on ne peut détacher aucun des éléments au risque de tout faire tomber... Mais précisément en prenant une partie de ce tout - sans rien ignorer de sa place dans l'ensemble - les auteurs de cet ouvrage cherchent à établir la spécificité et la relative autonomie de la photographie telle qu'un artiste visuel comme Marker - qui est également écrivain, cinéaste, musicien, graphiste, éditeur - la pratique et la manipule.
L'intérêt d'une réflexion plurielle, avec des spécialistes et des non spécialistes, des praticiens et des philosophes, des historiens et des artistes est de focaliser le regard sur ces aspects précis et originaux de l'oeuvre. L'ouvrage est illustré par des images photographiques (une trentaine) de nature différentes puisées dans l'ensemble de l'oeuvre de Marker.
Explication sur le titre Chris Marker avait l'habitude de signer ses films en mettant un point entre Chris et Marker. Sans doute en raison de l'abréviation de son prénom Christian, diminué en Chris, mais aussi comme un envoi, une sorte de télégramme. D'autre part la photographie est absolument collée à l'oeuvre de Marker : elle en fait partie mais on peut aussi la démarquer et l'analyser comme oeuvre autonome. Enfin, le même mot photographie désigne ici l'objet et la pratique, c'est à la fois un nom commun et un verbe conjugué au présent. -
A l'occasion de la quatrième édition des Photaumnales de Beauvais, Beatrix von Conta a été invitée dans le cadre d'une résidence à travailler sur le thème de la "frontière". Parcourant la ville du centre à la périphérie, sa création coupures / reprises est constituée d'une accumulation de fragments qui crée une vision stratifiée de l'espace urbain et questionne le territoire géographique, mais aussi ses limites imaginaires, celles projetées par la photographe sur les espaces, ainsi que les frontières invisibles et métaphoriques que révèle la photographie.
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Puisque le ciel est sans échelle ; dessins d'Arthur Goldschmidt au camp de Theresienstadt
Collectif
- CREAPHIS
- 24 Mars 2015
- 9782354280963
Le livre rassemble plus de 120 dessins réalisés par Arthur Goldschmidt au camp de Theresienstadt entre 1942 et 1945. Cet ensemble, avec ses qualités esthétiques et documentaires, est composé de portraits, scènes de la vie quotidienne, bâtiments, paysages. Il apporte un éclairage inédit sur le camp de Theresienstadt, mal connu en France.
Theresienstadt est le nom allemand de la ville tchèque de Terezìn située au nord de Prague. Ancienne forteresse militaire construite par les Habsbourg au xviiie siècle, elle devient un camp de concentration où sont enfermés de novembre 1941 à mai 1945 environ 140 000 juifs. C'est un lieu de regroupement et de transit vers Auschwitz et d'autres camps d'extermination. Les nazis font de Theresienstadt un camp-ghetto « modèle » présenté à l'opinion publique internationale comme une colonie juive normale. Les conditions de vie dans ce ghetto sont en fait effroyables : sur les 140 000 internés, plus du quart décèdent sur place et 88 000 sont déportés vers Auschwitz ou d'autres camps d'extermination. Environ 17 000 personnes survécurent.
Son fils, l'écrivain et traducteur Georges-Arthur Goldschmidt, décide en 2011 de confier ces dessins au Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon où ils sont désormais conservés.
L'ouvrage propose plusieurs entrées : art, histoire et littérature.
En introduction, l'historienne Annette Wieviorka, spécialiste de l'histoire de la Shoah, apporte des éléments d'explication sur le fonctionnement du camp de Theresienstadt.
Les écrivains Marcel Cohen, Guy Pimienta et Roger-Yves Roche proposent une approche littéraire très précise des dessins d'Arthur Goldschmidt, que Georges-Arthur Goldschmidt, Guy Pimienta et Roland Baroin présentent en ouverture du livre.
Cet ouvrage, par sa forme épurée, ses tons doux, ses qualités d'impression et de façonnage traduit avec sobriété le sentiment d'inquiétante tranquillité que suggèrent ces dessins, comme l'ombre d'un doute : « J'en craignais la beauté d'exécution et le caractère parfois presque "idyllique" des paysages pouvait créer, me semblait-il, un véritable malentendu [.] », écrit son fils, l'écrivain Georges-Arthur Goldschmidt.
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Septembre 2013 marque le quarantième anniversaire du coup d'Etat militaire de Pinochet au Chili et de la chute du président Allende. Beaucoup de Chiliens, fuyant la répression, se sont alors réfugiés en France où ils se sont implantés.
En 2003, au moment du 30ème anniversaire du coup d'Etat.Eric Facon réalise la série Hijos del exilio. Il a rencontré ces fils et filles d'exilés à Paris et à Santiago, où la moitié d'entre eux était retournée. Ce travail a été exposé au Mercato Centrale di Roma dans le cadre du Festival Internazionale di Roma en 2003, puis la même année au Museo de Arte Contemporaneo à Santiago du Chili. Ces 25 photographies ont été acquises, en 2009, par la Cité Internationale de l'Histoire de l'Immigration à Paris.
Dix ans après, que sont-ils devenus ? Créaphis a le projet de publier ces photos dans la petite collection Format passeport. Le photographe a retrouvé ces enfants d'exilés et de nouveau recueilli leurs récits.
Ce projet d'édition se situe dans une continuité et une logique éditoriales. Eric Facon appartient au collectif de photographes Le bar Floréal.photographie, dont plusieurs ont été publiés par Créaphis, notamment : Le bar Floréal.photographie (collectif), J'ai commencé à travailler, Oubliés de guerre, Tanger, côté mer, Paris/carnet périphérique et Merci aux travailleurs venus de loin (Olivier Pasquiers), Africaine (André Lejarre), Vague de Jazz (Caroline Pottier), Berlin (Alex Jordan). D'autre part, ce serait là le deuxième opus de la collection Format passeport. Cette collection rassemble des ouvrages de petit format, (106 x 150 à la française), mais de très belle facture avec une couverture à angles arrondis, contrecollée sur skinplast façon cuir, un titre marqué à chaud en lettres argentées sur la première de couverture et le dos, et des photographies imprimés en bichromie.
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Entre mémoire et histoire, Belleville, Belleville est une confrontation de diverses représentations de ce quartier parisien.
Conçu à la suite de deux expositions présentées en 1992 et 1993 à la maison de la Villette (Belleville, Belleville et Visa-villes), cet ouvrage réunit des récits de vie issus d'entretiens avec des habitants de Belleville, ainsi que des photographies (environ 150). En contrepoint se lisent des textes de synthèse écrits par des spécialistes - historien, sociologue, écrivain, compositeur -, qui développent d'autres visions urbaines.
L'originalité de ce livre est de donner la parole à ceux qui ont vécu à Belleville. Les textes oraux recueillis et présentés sont véritablement des "oeuvres de mémoire" qui se confrontent et se confortent entre elles. Elles témoignent à la fois de l'imagination et de la réflexion sur les mutations du quartier. L'expression orale a été largement conservée afin de respecter au mieux l'authenticité de chaque récit de vie souvent énoncé avec beaucoup d'émotion.
Fractions de mémoire du paysage, les photographies de Marcel Bovis, Robert Doisneau, Daniel Frasnay, Henri Guérard, René-Jacques, Willy Ronis, mais aussi des clichés sortant d'albums de famille, tentent de reconstituer le Belleville "mi-village mi-ville" des années 1930 à nos jours. D'autres images, contemporaines (François-Xavier Bouchart, Michel Maïofiss, Yves Jeanmougin et les photographes du bar Floréal), mettent en scène ce quartier multi-ethnique, dont la tradition d'accueil est attestée dès la fin du XIXe siècle.
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La maison que Pierre a bâtie ; cinq autoconstructeurs
Pierre Gaudin
- CREAPHIS
- 18 Mai 2004
- 9782913610392
Bâtir sa maison de ses propres mains, du château de sable à la cabanne dans les arbres, de l'abri de jardin au château en Espagne, est une pratique d'enfance largement partagée. Devenus adultes, et confrontés à la nécéssité de l'autoconstruction, quelques-uns ont eu l'audace de se lancer dans un projet de maison, échangeant le manque d'argent contre des heures de travail. En France, au lendemain de la seconde guerre mondiale, de telles expériences ont proliféré, au moment de la Reconstruction. La pénurie de logements a favorisé des élans constructeurs plus ou moins organisés, principalement dans les zones périurbaines, à Paris et en province.
Les récits de vie de cinq autoconstructeurs, Louis, José, Charles, Jean et Pierre, tous nés entre 1920 et 1944, rendent compte de situations sociales particulières. La famille, l'entourage professionnel ou encore le pays d'origine ont donné corps à leur projet de maison. Bricoleur, " castor ", homme de métier, artisan, migrant bâtisseur, ces autoconstructeurs sont d'abord des ouvriers d'eux-mêmes : au-delà de la réalité matérielle de leur maison, ils ont surtout fait oeuvre d'une construction de soi.